HYPERFICTION

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HYPERFICTI

L’hyperfiction, parfois appelée fiction hypertextuelle, ou le plus souvent fiction interactive, est un genre littéraire apparu d’abord aux États-Unis vers 1985. Son émergence est étroitement liée à l’utilisation de l’ordinateur comme support de lecture. La surface de l’écran, en effet, rend pénible toute lecture linéaire d’un texte au-delà de quelques dizaines de lignes. En contrepartie, la machine offre de nouvelles perspectives à la fiction par sa capacité de réagir en fonction des choix du lecteur. Il devient désormais possible d’imaginer des textes à lectures multiples qui se donnent à lire par fragments suivant des parcours de lecture non linéaires. L’apparition sur l’écran de chaque nouveau passage est déclenchée par l’action du lecteur qui choisit de cliquer avec sa souris sur tel ou tel mot du texte précédent. Dans les hyperfictions les plus élaborées, l’ordinateur est même capable de prendre en compte le parcours de lecture de l’utilisateur et son comportement pour décider du prochain texte qui s’affichera à l’écran.

Par son écriture, l’hyperfiction se trouve au croisement de deux phénomènes plus anciens: le jeu d’aventures et l’antiroman. Le premier est apparu à la fin des années 1960. Il s’agissait d’un programme informatique permettant à un joueur d’effectuer, sur le mode de la quête, un parcours semé d’embûches en dialoguant avec un ordinateur qui lui décrivait textuellement les lieux et les personnages de l’histoire. Les progrès de l’informatique lui ont rapidement substitué le jeu vidéo dans lequel le texte ne joue plus qu’un rôle auxiliaire. Le second phénomène est aussi ancien que le genre romanesque lui-même. Il se caractérise par la mise en question du pacte de lecture, de ce que Colerigde appelait «the willing suspension of disbelief». Le roman de Laurence Sterne, Tristram Shandy, est considéré à juste titre comme le modèle générique de cette contestation des conventions qui n’a cessé d’accompagner le développement de la fiction jusqu’aux œuvres les plus récentes. Si par une nuit d’hiver un voyageur d’Italo Calvino, Le Dictionnaire khazar de Milorad Pavic, Composition no 1 de Marc Saporta ou le célèbre Conte à votre façon de Raymond Queneau offrent quelques exemples de ces tentatives qui cherchent à libérer le texte des contraintes traditionnelles du livre.

Les auteurs américains d’hyperfiction, quant à eux, se réclament volontiers de la pensée de Roland Barthes ou de Jacques Derrida pour justifier en théorie leur productions hypertextuelles. Au premier ils empruntent les notions de fragment et de lexie, au second le concept de déconstruction. L’hypertexte de fiction, en effet, est constitué d’une collection semi-organisée de fragments narratifs autorisant des parcours multiples conditionnés par les choix du lecteur. Il va beaucoup plus loin que la simple arborescence des «livres-dont-vous-êtes-le-héros», auxquels on a parfois tendance à le réduire. La narration qui en résulte est profondément déconstruite. Contrairement à la fiction traditionnelle où l’enchaînement des événements dans un ordre voulu par l’auteur conduit le lecteur vers une fin qui éclaire rétrospectivement son parcours de lecture, l’hyperfiction brise la linéarité du récit et la chronologie des événements, brouille les indices et les repères. Les notions de commencement et de fin sont également remises en question: le texte n’est plus un fil que l’on déroule, mais un paysage que l’on parcourt. Cette déconstruction du récit entraîne celle des personnages et des voix narratives. Chaque fragment se trouve au carrefour de plusieurs lectures et prend ainsi des significations variables. Cette instabilité du texte contribue à la remise en cause des rôles respectifs de l’auteur et du lecteur. Car si c’est bien l’auteur qui écrit chaque fragment et décide de sa place dans la structure d’ensemble, seule l’activité du lecteur est susceptible de produire un énoncé unique.

L’hyperfiction constitue aujourd’hui aux États-Unis un véritable courant littéraire reconnu par la critique. Le premier hypertexte de fiction, Afternoon a Story de Michael Joyce, a été vendu à plusieurs milliers d’exemplaires. Grâce aux nouveaux logiciels d’écriture et de lecture imaginés dans les universités américaines, de nombreux écrivains publient désormais, parfois en réseau, des œuvres originales qui ouvrent la voie du numérique à la littérature. La situation est différente aujourd’hui en France, où les premières hyperfictions éditées (Sale temps de Frank Dufour, Jacky Chiffot et Gilles Armanetti, 1997, ou 20% d’amour en plus de François Coulon, 1996) semblent emprunter davantage à la bande dessinée ou au roman-photo.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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